la vie en rose


 
 

On this Saturday of May, I want to give myself a moment of sweetness on the edge of a lake. So I take the boat from the Island of Gorée where I live towards Dakar, then a taxi towards the Lac Rose an hour away.

Frightening. Le Lac Rose (pink lake) is no more. No more romantic thoughts.
It's time for reality.

It is no longer pink... because the micro-algae that generate this colour are not present today. Soon they won't be any more... the drought sets in and the lake shrinks.

"When the desert advances, life goes... " France Gall sang to us
(she lived over here for decades).

Here, the salt present in the water at the level of 380gr/litre (the rate is higher than in the Dead Sea) continues to feed most of West Africa. The salt slave traders are women: for years, they have been breaking the salt crust at the bottom of the lake to extract the "white gold" and load it into the boats. Because of the high concentration of salt, many of them carrying a child have had miscarriages.

The pink lake makes sterile.

Today, their mission is no less: they unload the boats in buckets of 25 kg each, under a blinding sun. An empty bucket: a shell placed there as a reminder. We are paid by the bucket here; they can expect to earn less than 2 dollars for their daily work as shown in the last picture.

The precariousness of these Senegalese women oscillates between working themselves to death or ending up losing their jobs when the lake has become deserted. They carry the weight of the world on their shoulders. These are my modern caryatids.

 

En ce samedi de Mai, j’ai envie de m’octroyer un moment de douceur au bord d’un lac.
Je prends donc le bateau depuis l’Ile de Gorée où je réside vers Dakar, puis un taxi en direction du Lac Rose à une heure de là.
Effroi. Le Lac Rose n’est plus. Finies les pensées romantiques. Place à la réalité.

Il n’est plus rose…  car les micro-algues qui génèrent cette couleur ne sont pas au rendez vous aujourd’hui. Elles ne le seront bientôt plus du tout… la sécheresse s’installe et le lac diminue.

« Quand le désert avance, c’est la vie qui s’en va. » nous chantait France Gall.

En revanche, le sel présent dans l’eau à la hauteur de 380gr/litre (le taux est plus élevé que dans la mer Morte) continue à nourrir en grande partie de l’Afrique de l’Ouest.

Les forçats du sel sont les femmes : durant des années, elles ont cassé la croûte de sel présente au fond du lac pour en extraire « l’or gris » et le charger dans les barques.

À cause de la trop forte concentration saline, nombre d’entre elles portant un enfant ont fait des fausses couches. Le lac rose rend stérile.

Aujourd’hui, leur mission n’est pas moindre : elles déchargent les bateaux dans des seaux de 25 kgs chacun, sous un soleil aveuglant. Un seau vidé : un coquillage posé là comme pense-bête. On est payé au seau ici ; elles peuvent espérer gagner 1,5 euros pour leur travail quotidien comme le montre la dernière image.

La précarité de ces femmes sénégalaise oscille entre se tuer à la tâche ou finir par perdre son emploi lorsque le lac sera devenu désert. Elles portent le poids du monde sur leurs épaules. Voilà mes caryatides modernes.

Ces images réalisées en 2018 ne sont pas des mises en scène. J’ai dû m’adapter au rythme des travailleuses, je les suivais le plus discrètement possible avec un assistant lumière. J’ai souhaité qu’elles soient fières de ces photographies et leur montrer que leur beauté évidente n’a d’égal que leur courage.